La stabilité d’une balle

Cet article a pour but de tordre le coup à une idée reçue qui veut qu’une balle devienne stable après une certaine distance parcourue…Vous verrez qu’il s’agit d’une confusion entre le facteur de stabilité qui lui est fixe et les forces parasites liées à la vitesse de rotation de la balle. Les articles sont tirés du Blog Ballistic Shooters

LA STABILITÉ D’UNE BALLE – 1ère partie

29 Novembre 2019 , Rédigé par Shooter.Publié dans #Balistique exterieure,  #Balistique interne,  #Coefficient balistique,  #drop,  #trajectoire

Dans cet article, Ballistic Shooters va mettre en évidence certains points liés à la stabilité d’une balle.

Les premières armes à canon rayé remontent en l’an 1476.

Mais pourquoi un canon rayé?

Les balisticiens de l’époque se rendirent vite compte qu’une balle de forme allongée était plus aérodynamique que les balles « sphériques » de mousquet. Cependant, ne possédant pas de centre de symétrie mais un axe de symétrie, les balles étaient totalement instables, basculaient à peine sortie du canon et avaient une trajectoire totalement erratique.

Le choix de l’effet gyroscopique fut choisi pour stabiliser les balles.

Pour cela, il fallu rayer les canons des armes.

Les choses ont commencées à évoluer doucement, il fallu quand même attendre 1882 pour voir des balles comme on les connait aujourd’hui. Au fur et à mesure, on voulu tirer de plus en plus loin et les balisticiens découvrir des problèmes  mais également des solutions, c’est encore le cas aujourd’hui. 

Pour cela, il nous faut des balles stables.

Mais qu’est ce qu’une balle stable ?

Une balle est dite « stable «  quand elle a :

  • Une stabilité statique et gyroscopique
  • Une stabilité dynamique

Une stabilité statique et gyroscopique

Sur la balle, on peut identifier deux points:

  • Le centre de masse ou gravité (Cg), c’est-à-dire le point où la balle équilibre son poids. Quand on tire, le centre de masse est le seul point de la balle qui suit la trajectoire.
  • Le centre de pression (Cp), c’est-à-dire le point où la force aérodynamique, dans ce cas, la traînée du flux d’air (et un peu d’ascenseur), agissent sur la balle.

Dès qu’elle sort du canon, la balle commence sa trajectoire descendante, seul le centre de gravité suit la trajectoire. La pointe de la balle ne suit pas la trajectoire. 

En fait, l’axe longitudinal de la balle tend à rester pointé dans la direction de la ligne de départ. Donc, en raison de la forme de la balle, elle volera toujours avec un angle, appelé angle d’attaque, par rapport à la trajectoire. 

Le résultat sera que le flux d’air ne poussera pas sur le centre de pression par l’avant, mais avec un angle venant du bas. Étant donné que le point de pression est positionné en face du centre de gravité, le flux d’air obligera la balle à tourner vers l’arrière, pivotant sur son centre de masse.

De plus, en raison de sa forme particulière, la balle a son centre de masse derrière son centre de pression. Lorsque la balle est en vol, le centre de pression veut toujours se positionne dans la direction du vol, c’est-à-dire avec la pointe de la balle orientée vers l’arrière, poussant  sur le centre de pression.

Si la balle n’est pas stabilisée, ces deux forces agissant ensemble provoqueront la bascule de la balle. 

Nous pouvons considérer la distance entre le centre de masse et le centre de pression comme un levier. Plus le « levier » est long, plus la force déstabilisante est élevée. Les balles plus longues, et surtout les formes de balle avec de longues ogives, ont des « leviers » plus longs et sont donc les plus instables. 

Cela n’a rien à voir avec la longueur de la surface portante, et rien à voir avec le poids de la balle, mais tout ce qui a trait à la répartition du poids. 

Le mouvement de rotation, induit par les rayures du canon, maintient la balle stable en raison de l’effet gyroscopique. Cet effet limite ou annule la dynamique déstabilisatrice. 

C’est le même effet que vous pouvez observer en jouant avec une toupie qui empêche le jouet de tomber sur le côté en raison de la gravité pendant qu’il tourne. 

Plus le moment de déstabilisation est élevé, plus les forces gyroscopiques doivent être puissantes pour maintenir la balle stable.  

La force gyroscopique est fonction de la vitesse de rotation (vitesse angulaire), ainsi, plus les forces déstabilisantes seront élevées et plus la vitesse de rotation devra être élevée. 

Plus une balle sera longue et plus elle devra avoir une rotation élevée.

Par exemple, un pas de rayure (twist) de 1/10’’ signifie que la balle fera une rotation complète tous les 10 pouces (25.4 cm) de longueur de canon.

Évidemment, plus le pas de rayure est court, plus la vitesse de rotation est élevée. 

Étant donné le pas de rayure, plus la vitesse initiale est élevée, plus la vitesse de rotation est élevée.

Vous comprendrez aisément que ceci devient important lorsque l’on choisi une munition ou une balle pour son fusil.

Alors comment faire ?

Pour savoir si notre balle va être stabilisée par notre fusil, il existe une formule, mais cette dernière nécessite des éléments inaccessibles pour un tireur. Plusieurs formules ont été créées pour donner un résultat proche de la réalité, nous allons utiliser l’une d’entre elle: la règle de Miller

T = √ (30*m) / (s*d3*l*(1+l2))

Avec   T le twist en calibres

m la masse en grains 

s le facteur de stabilité

            d le diamètre (calibre) en pouces

            l la longueur en calibre

Cette formule peut également nous donner  le facteur Sg (Stabilité gyroscopique) sous réserve de connaitre le twist :

  • en dessous de 1, la balle est instable
  • de 1 à 1.3, la stabilité est considérée comme marginale. 
  • Au dessus de 1.3, la balle est stable

Cependant, avec les balles modernes, plus longues, il est souhaitable d’être au dessus de 1.5 pour être considérer comme stable, pire encore le coefficient balistique de la balle sera amoindri, selon Bryan Litz, ce serait d’environ 3% par tranche de 0.1 Sg en deçà de 1.5.

Pour le tir à longue distance, on évite de dépasser un Sg de 2, ceci dans le but de ne pas subir des soucis de maniabilité lors de tir lointain ou avec grand angle de tir.

Nous pouvons également étendre la formule pour prendre en compte la vitesse réelle et la densité de l’air

Sg = ((30*m) / (T2*d3*l*(1+l2))) * (v/853.4)1/3 * ((t+273.15) * 1000) / (288.15 * p)) 

Avec   v la vélocité en m/s    

            t la température en °C

            p la pression atmosphérique en hPa

   1000 si réf ASM utilisée par Miller, si réf ICAO, 1013.25 hPa,  la variation du Sg est de ~ 0.02

Avec un exemple, une balle de 0.284 Berger VLD 180 gr  longueur 1.525 po

V0 de 910 m/s et un twist de 1/12 po en conditions estivales de 900 hPa, 35°C

Sg = ((30*180) / ((12/0.284)2 * 0.2843 * (1.525/0.284) * (1+(1.525/0.284)2))) * (910 / 853.4)1/3 * (((35 + 273.15) * 1000) / (288.15 * 900)) = 1.00 (ASM)

Nous voyons directement que notre balle ne sera pas stabilisée dans notre arme.

Il va falloir réduire le pas de rayure.

Si vous avez peur des calculs, pas de panique, de nombreux sites proposent des calculateurs

https://bergerbullets.com/twist-rate-calculator/
https://www.jbmballistics.com/cgi-bin/jbmstab-5.1.cgi

Voyons le calcul avec le modèle de Berger

Sg réf ICAO

Nous voyons que le résultat est le même, notre balle n’est pas stable, il nous donne même le pas de rayure recommandé, ici 1/9.75 po. 

On peut même voir que notre Cb va passer de 0.349 à 0.299. 

Pour les conditions météo de notre exemple, nos balles seraient stables avec un twist 1/9.75 po, mais qu’en est-il en hiver avec d’autres conditions ?

V0 de 890 m/s et en conditions hivernales 1020 hPa, -5°C

Comme nous pouvons le voir, notre pas de rayure est trop long pour de telles conditions.

Avec un twist de 1/8.5 po, comme préconisé ci-dessus, nous aurions un Sg de 1.5 pour nos conditions hivernales et de 2.02 pour les conditions estivales. 

Pour se faire une idée de la stabilité suivant la vitesse et densité de l’air

Suivant les lieux où on tire, un choix sera possible quant au pas de rayure de notre canon.

Nous avons parlé précédemment, que les forces déstabilisantes étaient fonction de la répartition du poids des balles, pour celles équipées avec « Tip », il est préconisé de ne prendre pour longueur de balle que la partie chemisée sans le « Tip ». 

En effet, la densité de l’alu ne compte que pour 1/4 du reste de la balle et pour le polymère, c’est 1/8, ce qui fait que la longueur du tip ne modifie quasiment pas la densité de la balle.

Prenons par exemple 2 balles Sierra de 175 gr, une Matchking et Tipped Matchking.

La longueur de la SMK est de 31.5 mm, la TMK est de 35.15 mm et son tip est de 5.08 mm.

V0 de 789 m/s et un twist de 1/11.25 po en conditions ICAO.

Le Sg de la SMK sera de 1.89. 

En utilisant la méthode normale, celui de la TMK sera de 1.38, donc estimé marginal.

Si nous soustrayons le Tip à la longueur de la balle: 

35.15 mm – 5.08 mm = 30.07 mm.

Le Sg sera alors de 2.16, notre balle sera donc estimé comme stable.

Nous venons de voir la règle de Miller, cette dernière fonctionne bien pour les balle avec boat tail, cependant pour les balles à base plate, elle a tendance à sur estimer le facteur de stabilité. 

Pour ces balles, il est préférable d’utiliser la formule de Greenhill qui nous donnera directement le pas de rayure le plus lent utilisable.

Twist = (((150 * d2) / l) * √ (ρ / 10.9)) / 25.4

Avec   pour des vitesses supérieures à 853.4 m/s, remplacer 150 par 180

  d le diamètre de la balle en mm

            l la longueur de la balle en mm

            ρ la densité de la balle en kg/m(10.9 pour les balles chemisées à noyau en plomb)

            On divise par 25.4 pour l’avoir direct en pouces sinon le résultat est en mm

Prenons par exemple, une balle de 0.308 (7.82 mm) Berger Target FB 150 gr  longueur 29.34 mm avec une V0 de 840 m/s

            Twist = (((150 * 7.822) / 29.34) * √ (10.9 / 10.9))/25.4= 12.3 soit 12 po

            Il nous faudra donc un pas de rayure de 1/12 po maximal pour stabilisée notre balle

A titre info, voici quelques densités de métaux différents

Le plomb = 11.3 kg/m3, le cuivre = 8.9 kg/m3, le laiton = 8.5 kg/m3, l’acier = 7.8 kg/m3, etc. 

Si les calculs vous font peur, il existe également des calculateurs

http://kwk.us/twist.html

https://www.vcalc.com/equation/?uuid=fa6a549f-0929-11e5-a3bb-bc764e2038f2

A des fins comparatives, avec la règle de Miller :

Twist= √(30*150)/(1.5*0.3083*(1.155/0.308)*(1+(1.155/0.308)2) = 13.13 soit 13 po

Avant de conclure, nous avons vu que donner une rotation suffisamment rapide empêchait une balle de tendre vers la bascule. Au lieu de cela, la rotation transforme cette tendance à la bascule en mouvement de précession.

Nous aborderons cela dans la 2ème partie de notre article, mais comprenez bien qu’une fois qu’une balle est stable gyroscopiquement, elle le sera sur toute sa trajectoire car à mesure que la distance entre la balle et le fusil s’allonge, la vitesse de la balle diminue plus vite que la vitesse de rotation.

En effet, la force déstabilisante de l’air agissant sur le centre de pression diminue plus rapidement que la force gyroscopique.

A contrario, une balle instable gyroscopiquement  ne le deviendra jamais, encore pire, l’effet gyroscopique ne fera qu’aggraver l’instabilité de la balle

LA STABILITÉ D’UNE BALLE – 2ème partie

13 Décembre 2019 , Rédigé par Shooter.Publié dans #Balistique exterieure,  #Balistique interne,  #drop,  #trajectoire,  #Coefficient balistique

Dans la 1ère partie , nous avons vu que pour être stable, une balle doit l’être statiquement et dynamiquement, nous avons vu les méthodes de calcul pour être stable gyroscopiquement.

Dans cette partie, Ballistic Shooter va aborder la stabilité dynamique d’une balle.

Nous avions fini la 1ère partie en vous expliquant que la rotation d’une balle transformait la tendance à la bascule en mouvement de précession.

La stabilité dynamique

La précession (coning): 

La pointe de la balle dessine en fait un cône autour de l’axe du mouvement, la pointe du cône étant centrée sur le centre de gravité de la balle. 

Ceci est une conséquence d’imperfections dans la construction de la balle (telles que des différences d’épaisseur de chemise ou de vide) qui déséquilibrent son centre de gravité. C’est aussi une conséquence du manque de concentricité entre l’axe de la balle et l’axe du mouvement, en raison du fait que la balle passe dans le canon avec son extrémité non alignée avec l’axe du canon. 

C’est la même raison pour laquelle les roues des voitures doivent être équilibrées avec des plombs. Si la répartition du poids ou l’alignement des axes est imparfait, lorsque la voiture roule à grande vitesse et que les roues tournent, elles vacillent à cause de la précession et la voiture vibre. 

A cela, vient également s’ajouter les impulsions des gaz à la sortie du canon qui vont créer un mouvement de nutation qui va se superposer à la précession. 

La nutation :

La pointe de la balle fait de petits mouvements circulaires. 

C’est la conséquence de défauts de concentricité des pointes de balle.

A mesure que la balle s’éloigne du canon, le flux d’air poussant sur la surface de la balle va amortir ces mouvements. Si tel est le cas, elle sera stable dynamiquement. 

L’angle de lacet induit à la sortie du canon du à la précession va diminuer avec le temps sans pour autant disparaître totalement, nous reviendrons sur ce fait. Il en est de même pour le tangage induit par la nutation.

Si ces perturbations ne s’atténuent pas, la balle n’est pas stabilisée de façon dynamique, elle sera moins précise, voir pire…

L’instabilité dynamique dépend de la longueur de la balle et de la vitesse de rotation. Les balles plus longues ont un degré de vacillement plus élevé et sont les plus difficiles à stabiliser. 

Contrairement à la stabilité statique, nous ne pouvons pas prédire la stabilité dynamique. Il existe une formule pour calculer le facteur de stabilité dynamique (Sd), mais il faudrait connaître trop de variables, dont beaucoup sont impossibles à obtenir en dehors d’un laboratoire disposant d’un équipement spécifique.

Il faut en faite respecter le « triangle de stabilité »

A notre niveau, afin de minimiser le problème, nous ne pouvons que sélectionner de bonnes balles correspondant à notre pas de rayure. Cela pour garantir un facteur de stabilité statique adéquat, c’est-à-dire ni trop lent ni inutilement trop élevé.

Nous pouvons également sélectionner des balles de haute qualité, ce qui nous permet d’éviter au maximum les imperfections internes. 

Pour les rechargeurs manuels, la solution est également de prendre soin d’avoir une bonne concentricité axiale entre l’étui et la balle, il est toutefois possible de vérifier cet élément pour des cartouches manufacturées. 

Contrairement à la stabilité statique, la stabilité dynamique peut être perdue sur la trajectoire de la balle.

Ces moments d’instabilité ont d’autres conséquences, précédemment nous avons vu que l’angle de lacet ne disparaissait pas réellement. En réalité, il sera toujours présent, pour que la balle soit stable dynamiquement, il doit diminuer jusqu’à être égal au lacet de repos (yaw of repose).

Le lacet de repos

Une fois la balle stabilisée dynamiquement, son axe longitudinal, ne pointe pas dans l’axe de la trajectoire mais présente un angle de lacet appelé lacet de repos ou lacet d’équilibre, dans la direction de la rotation de la balle.

Seul le centre de gravité suit la trajectoire, sa pointe est dirigée vers la droite (pour un pas de rayure à droite) et légèrement vers le haut (angle d’attaque). L’air entrant poussant sur le côté gauche de la balle la fait dériver.

En physique, lorsque l’on applique une force en direction de son axe à un objet en rotation, ce dernier ne réagit pas dans le sens de la force appliquée mais de façon perpendiculaire.

Si cela vous intéresse, vous pourrez facilement le tester avec une toupie en rotation.

La dérive gyroscopique

Nous venons de voir que le lacet de repos est la raison pour laquelle une balle subit une dérive gyroscopique. Suivant le sens des rayures du canon, cette dérive à lieu à droite pour des rayures à droite et à gauche pour des rayures à gauche.

La formule de la dérive gyroscopique est :

Dg = 3.175*(Sg+1.2)* tof1.83

Avec   Sg le facteur de stabilité gyroscopique

            Tof le temps de vol en s

En exemple notre cdx 40 shadow, une balle de 0.408  400 gr  longueur 2.106po

V0 de 933 m/s et un twist de 1/12po en conditions de 1000 hPa, 15°C, Sg de 1.47

V0 de 943 m/s et un twist de 1/12 po en conditions de 900 hPa, 35°C, Sg de 1.77

Comme on aurait pu s’en douter en regardant la formule, la dérive gyroscopique change quand il y a changement de V0 et/ou de densité de l’air. 

Cette variation sera bien évidement à prendre en compte ou pas suivant vos tirs, vos configurations d’arme, munitions, etc.

A titre informatif, avec un M24 et une balle SMK 175 gr

Nous allons nous arrêter la pour cet article mais nous découvrirons dans des articles futurs, d’autres facteurs et éléments modifiants la trajectoire d’une balle.


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